Ministère pastoral
Quelques points de repère pour un ministère pastoral actuel.
Martin Hauser
Fondamentalement
Il y a encore des personnes qui tiennent à ce ministère. Les raisons peuvent varier: Il y a des personnes qui l’exercent elles-mêmes presque sans pause (!), il y en a qui s’y sentent liées en vertu de leur ordination, et beaucoup de personnes d’origine et statut très divers comptent sur et avec ce ministère, puisqu’elles apprécient le soutien qui peut ainsi leur parvenir.
En effet, ce ministre peut représenter un vis-à-vis (dans la cure d’âme, dans un groupe communautaire, dans un culte…) pour la ou les personnes qui cherchent un appui; la personne humaine individuelle reçoit ainsi une chance pour sortir de sa problématique ressentie comme étant solitaire. La personne pastorale qui exerce ce ministère peut - Deo volente - même symboliser l’altérité divine. C’est d’ailleurs cette dernière l’origine, le soutien et la finalité de notre existence.
Il semble donc particulièrement incontournable de s’intéresser à ces personnes pastorales et veiller à ce qu’elles puissent trouver des conditions favorables à leur travail complexe. Disons clairement que dans une société post-moderne et super-individualiste, il s’agit de sensibiliser autant les Eglises que la société en général pour qu’elles tâchent d’offrir des cadres favorables à ce travail, permettant aux concerné-e-s de se consacrer pleinement à leur office.
Au niveau supra confessionnel
La société post-moderne en Europe se caractérise évidemment par une multitude de croyances et par la présence d’Eglises différentes. Dans ce sens, il est impossible de penser au ministère pastoral sans tenir compte également des fonctions à peu près similaires, mais aux moyens parfois différents, dans les autres confessions chrétiennes. Au siècle passé, dans les «bonnes années» de l’œcuménisme inter-institutionnel, une discussion sur l’office pastoral sans un regard sur les Eglises sœurs aurait été inappropriée, mais depuis quelque temps déjà, cela ne semble plus gêner… Un des avantages à considérer aussi les autres Eglises, c’est de voir que les différentes communautés chrétiennes ont toujours eu besoin d’un ministère central pour vivre leur vie de chrétiens et chrétiennes.
Ainsi, l’existence d’un ministère pastoral central s’avère nécessaire par l’expérience des Eglises. Or, une base déjà scripturaire (NT) comporte également des indices allant dans ce sens.
Au niveau du contenu
Ce ministère assume les tâches centrales et constitutives de toute action christique que voici:
- Il essayera d’orienter l’individu et la communauté vers le centre, le Dieu qui est également Père, Fils et Saint-Esprit.
- Il sera susceptible d’offrir un soutien au lien envisagé avec ce Dieu par l’interprétation des Écritures à partir des textes originaux. Pour le faire de façon sensée, la personne pastorale devra elle-même avoir expérimenté ce lien.
- La personne pastorale connaîtra en profondeur l’histoire de celles et ceux qui ont expérimenté ce lien, elle aura en particulier largement assimilé l’histoire de l’Eglise.
- De même, elle sera bien familiarisée avec les formulations utilisées à travers l’histoire et destinées à approcher le mystère de ce Dieu qui se présente plus particulièrement comme Père ou comme Fils ou comme Saint-Esprit, comme bon lui semble. Et, elle connaîtra quelque chose de l’apologétique, afin de ne pas reculer devant les attaques contre la foi en ce Dieu qui reste un mystère.
- Elle connaîtra, last but non least et obligatoirement, les dimensions scientifiques, anthropologiques, sociologiques, psychologiques et encore politiques et économiques du monde actuel tel que nous l’expérimentons et dans lequel nous sommes appelé-e-s à vivre par la confiance en ce Dieu mystère. En assumant la réalité de ce monde, la personne pastorale dira un grand «oui» à notre réalité qui a aussi beaucoup de composantes matérielles. D’ailleurs, la tâche pastorale d’administrer les sacrements symbolise aussi cette mission de faire le lien entre le visible et l’invisible !
Il est impressionnant de voir, combien des pasteur-e-s en exercice peuvent tenir à une formation pastorale telle que nous venons de l’évoquer. Cela apparaissait lors d’une rencontre Eglises - Universités à Zürich, fin 2022. Nous tenons personnellement à préciser qu’une telle voie «royale» de formation pastorale peut à certaines conditions être fournie par les universités; or, comme l’expérience le montre, il y a d’autres voies d’accès au ministère, suffisamment complètes, elles aussi.
Contextuellement
Terminons ces quelques réflexions autour du centre de gravité théologique représenté par le ministère pastoral par trois remarques de contextualisation:
- Nous saluons beaucoup une théologie des charismes revivifiée et ainsi l’accent sur une pluralité de ministères. Qu’elle soit à nouveau souvent discutée au profit des communautés et Eglises est un fait constructif ! D’ailleurs, Ernst Käsemann démontrait déjà clairement et avec passion cette pluralité indispensable, il y a plus de 60 ans! (Cf. plusieurs articles dans son volume mémorable «Exegetische Versuche und Besinnungen», Göttingen 1964).
- L’actuel possible bouleversement touchant la formation universitaire des pasteur-e-s devrait nécessairement intégrer tout ce qui vient d’être relevé. C’est un prix à payer, le rabais ne servirait pas la bonne cause!
- Les protestant-e-s n’ont pas à avoir de complexe par rapport aux chrétiennes et chrétiens des autres Eglises: leur ministère pastoral se situe - si l’on veut scrupuleusement faire le lien - en principe dans une lignée de succession apostolique. Mentionnons dans ce sens par exemple que l’Eglise luthérienne de Suède connaît même une succession apostolique épiscopale ou encore l’avis du cardinal Walter Kasper comme quoi l’Eglise romaine n’a jamais excommunié les ministères protestants.
Dans ce contexte, les quelques points de repère donnés en vue du ministère pastoral nous semblent faire partie d’un minimum incontournable mais rassurant. Par ailleurs, si l’on dit de façon très pragmatique des Nations Unies ou du Conseil Œcuménique des Eglises qu’il vaut mieux les avoir que de ne pas les avoir, cela est certainement vrai pour le ministère pastoral aussi.